Algues vertes. La Cour des comptes pointe du doigt les insuffisances de l’Etat et des élus bretons

Les magistrats de la Cour des comptes dénoncent le manque d’investissement et d’ambition des politiques publiques. Ils pointent aussi du doigt l'inefficacité des plans publics de lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne. Des plans "mal définis" et à l'"impact limité".

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Le rapport de la Cour des comptes sur les algues vertes sort ce 2 juillet, alors que la plage du Ris à Douarnenez en est à nouveau recouvertes. Cela fait des dizaines d'années qu'elles reviennent avec les premières chaleurs en baie de Douarnenez.

L'échouage de ces algues vertes, rappelle le rapport est une conséquence d'apports excessifs de nutriments (azote et phosphore) venant des fleuves côtiers, conjugués à une morphologie spécifique des baies concernées. 

Il rappelle aussi que plusieurs personnes sont décédées accidentellement depuis 1989 après avoir été exposées aux algues en décomposition qui libèrent un gaz mortel, l'hydrogène sulfuré.

Des algues vertes aussi dans le Golfe du Morbihan

La baie de Saint-Brieuc est la plus concernée par le phénomène d'échouage, avec une moyenne de 629 hectares par an. Elle concentre 56,5 % de la surface totale d’échouage des huit baies algues vertes et 48,5 % de la surface d’échouage bretonne, relate le rapport. En 2019, ce ne sont ainsi pas moins de 10 890 tonnes d’algues vertes qui ont été ramassées en baie de Saint-Brieuc, la moyenne annuelle sur 11 ans étant de 7 100 tonnes.

Et si les données de 2007 à 2020 montrent une "légère tendance à la baisse des échouages d'algues vertes sur les sites sableux", la tendance est à la hausse dans les vasières, notamment dans le Golfe du Morbihan. Le Morbihan recense, à lui, seul, 55% des échouages bretons sur vasières, dont 34% concernent le Golfe du Morbihan.

"Les travaux scientifiques montrent que seule une action sur l'azote peut permettre de limiter ce phénomène et que l'azote (nitrates) présent dans les baies est à plus de 90% d'origine agricole", souligne le rapport de la Cour des comptes de près de 300 pages qui dresse un état des lieux des deux plans de lutte contre les algues vertes entre 2010 et 2019.

Des montants dérisoires pour lutter contre cette prolifération

Ces plans ont engagé 109 millions d'euros d'argent public, un montant jugé "dérisoire" au regard des 435 à 614 millions d'euros par an d'aides du 1er pilier de la politique agricole commune en Bretagne. 

Leurs objectifs ont par ailleurs été "mal définis" et leurs effets sont "incertains sur la qualité des eaux", avec un impact "limité" sur le niveau des échouages, tandis que la dynamique de mobilisation des agriculteurs "s'est essoufflée".

Manque d'implication des filières agroalimentaires

Ainsi, seuls 19% des paiements du plan 1 et 25% pour le plan 2 ont été "effectivement consacrés à la prévention des fuites d'azote agricole". Les filières agroalimentaires ne se sont, en outre, "pas impliquées dans la prévention des fuites d'azote" et ont même "bénéficié de soutiens publics sans contreparties en termes de prévention de ces fuites", souligne le rapport. 

"La réduction significative de ce phénomène ne pourra intervenir que par un élargissement et un renforcement des actions en faveur d'une agriculture à faibles fuites de nitrates", poursuivent les magistrats qui remettent en cause une approche "fondée sur le volontariat".

Sophie Bergogne, Présidente de la Chambre régionale des comptes de Bretagne évoque une filière agroalimentaire qui ne s’est pas réellement impliquée dans ce plan de lutte, "or son rôle est déterminant, puisque les agriculteurs vont aller dans le sens de ce que doit faire le secteur agroalimentaire, elles doivent être parties prenantes, c’est tout le modèle agro breton qui doit s’infléchir, si on veut réussir à lutter contre ce phénomène". 

Cinq recommandations de la Cour des comptes

Le rapport formule cinq recommandations. Parmi lesquelles, l'extension des plans d'action au-delà des huit baies concernées (le comité de bassin Loire Bretagne recense 129 sites concernés par la prolifération d’algues vertes), la définition des objectifs évaluables et le suivi de la réalisation.

Les magistrats préconisentaussi de redéfinir les incitations au changement des pratiques agricoles via la future PAC, ou encore de faire respecter la réglementation en renforçant les contrôles. 

Dans le détail, la Cour des comptes préconise par exemple aussi de réviser le schéma directeur régional des exploitations agricoles ou mettre en place un système d'information intégré et partagé sur les fuites d'azote et la fertilisation dans les bassins versants bretons.

Sophie Bergogne suggère que les contrôles soient renforcées pour s’assurer que les agriculteurs ont bien mis en place les moyens qu’on leur a assignés.

Reste à voir si ce rapport de la Cour des comptes aura des suites ou restera dans un placard, car pour rappel il n’a qu’une portée consultative.

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